Chronique #10
Je l’avoue cette fois j’ai recours à un titre un peu provocateur, j’espère que vous ne m’en voudrez pas. J’avais prévu pour cette chronique d’aborder le sujet des croyances limitantes. Plutôt que d’en faire un exposé qui risquerait d’être un peu rébarbatif, j’ai choisi un autre angle. En m’attaquant directement à un exemple de croyance limitante qui est assez communément partagée : oser changer de vie ne serait réservé qu’aux courageux et courageuses.
Cette affirmation je l’ai rencontrée fréquemment – moi-même je la partageais. Mais en la lisant dans un commentaire dernièrement, cela m’a profondément faite réfléchir à tout ce que cette croyance pouvait impliquer.
Responsabilité n’est pas culpabilité
Le muscle du courage
Déjà, nous l’avions vu dans l’article dédié au Kai-Zen, le courage est un muscle qui se travaille. Nous ne sommes pas forcément équipés de la même manière à la naissance c’est certain. Mais en prenant de petits risques, de petits pas régulièrement, qui nous permettent d’agrandir notre zone de confiance, notre confiance en nous se renforce. Ainsi notre stock de courage pour affronter ce qui nous fait peur.
|| Pour aller plus loin : Les mini-wins : des petits pas pour une plus grande confiance en soi ||
Derrière cette pensée du Courage indispensable au changement se cache une sorte de défaitisme, ou de renoncement, plus ou moins conscient qui sous-entend que si moi je ne me lance pas, c’est parce que je ne le suis pas assez, courageuse. Venant ainsi saper encore un peu plus la confiance en soi.
Qu’il ne se considère pas comme une victime impuissante des circonstances qui l’entourent mais plutôt comme l’acteur et réalisateur du film de sa vie… Me voilà à me retrouver dans des envolées lyriques !
Culpabilité mal placée
Attention cependant, cette responsabilité n’est à ne pas confondre avec la culpabilité ! Être responsable de sa vie ne revient absolument pas à dire que je suis coupable de ce qui ne va pas dans ma vie (une maladie, un licenciement abusif, des malheurs successifs).
Je ne partage pas du tout ce courant de pensée visant à dire que si l’on a développé un cancer c’est qu’on entretenait de mauvaises ondes qui l’ont attiré pour nous porter un message. Je suis quelqu’un de très pragmatique, et ce n’est pas le courant de pensée que je trouve utile ou constructive. Toutefois, de ma propre expérience de douleurs chroniques dont les causes étaient à moitié expliquées et des recherches que j’ai pu menées pour mieux comprendre ce fléau du mal de dos, je reconnais de plus en plus le rôle du mental sur le corps.
La vraie responsabilité
La psychosomatisation n’est pas de l’hypocondrie : les maux sont bien réels, seulement la cause n’est pas nécessairement organique. Un merveilleux ouvrage à ce sujet : Le meilleur anti-douleur est votre cerveau, du Pr John Sarno.
Cela signifie par exemple que si je réponds agressivement à quelqu’un qui m’a irritée, cela n’est pas la « faute de l’autre » qui m’aura provoquée mais ma seule responsabilité. Qu’elle soit légitime ou non reste encore un autre débat, ce qui importe ici sera plutôt d’assumer ou non mon attitude.
Mais pourquoi est-ce que je vous parle de responsabilité ? En quoi est-ce pertinent dans le sujet des croyances limitantes ?
On choisit ses pensées, mais encore faut-il le savoir
C’est pour une raison très simple : nous choisissons nos pensées. Nos pensées, qui se distinguent des émotions qui sont, elles, spontanées et plutôt fugaces, se formulent dans notre esprit. Cependant, certaines réactions, certaines pensées sont tellement ancrées depuis longtemps, qu’elles nous semblent automatiques, indépendantes de notre volonté. On commence ainsi à toucher du doigt ces croyances, ces systèmes de pensées tellement automatisées que l’on va les prendre pour des vérités absolues. Pourquoi certaines personnes vont-elles réagir au quart de tour à la moindre insulte, quand d’autres resteront impassibles face aux pires injures ? Cela n’est pas qu’une question de susceptibilité, mais de choix de pensée et de réaction.
Le coût du changement
Je sais que cette étape peut être extrêmement inconfortable et difficile à accepter. Comment pourrais-je choisir de ne pas être malheureuse après une rupture ou pendant une maladie invalidante ? Je me suis clairement posée cette dernière question quand mes problèmes de dos m’ont empêchée de vivre « normalement » pendant presque deux ans en mettant ma carrière de côté et en ayant du mal aussi à m’occuper de mes enfants ou à mener une vie sociale normale. Comment en effet ?
Je ne juge absolument pas mon attitude, l’acceptation ne se fait pas du jour au lendemain, et certains événements suivent une sorte de processus de deuil ; la maladie en fait clairement partie. Pour arriver à percevoir les choses différemment, il faut être prêt(e) à ouvrir son regard, son système de pensées et in fine son comportement… bref, à changer. Mais changer est une processus soudain qui met très longtemps à maturer comme disent certains.
Choisir ses pensées demandent déjà un lâcher-prise sur ce dont on n’a pas la main, pour ne se concentrer que là où on peut influer les choses (ce qui rejoint en réalité la sagesse stoïcienne). J’ai dû par exemple accepter que mon dos est fragile, et le sera probablement toute ma vie, et que ça je ne peux pas le changer. Mais une fois ceci compris, j’ai pu concentrer mes efforts sur les solutions qui étaient à ma portée : l’activité physique, la méditation, un projet professionnel différemment ; au lieu de mettre le peu d’énergie que j’avais à regretter que je n’avais pas de chance, à me demander pourquoi cela m’arrivait à moi, etc…
Exit la méthode Coué
Avoir décidé de concentrer mes pensées, mes efforts sur ma reconstruction ne signifie pas que je vois la vie en rose tous les jours. Ou que je me répétais « tout va bien » alors que j’étais pliée de douleurs une semaine sur deux. Clairement la réponse est non ! J’ai plutôt appris à accepter les moments sans, à les laisser être, mais sans non plus me lamenter ou imaginer le pire. En clair : ne pas ajouter de la souffrance, à la douleur pour reprendre le concept Bouddhiste de la première flèche (la douleur) que l’on ne choisit pas, une blessure du corps ou de l’âme) et de la seconde flèche (le souffrance), que l’on s’inflige en anticipant les pires scénarios ou en se morfondant sur sa personne en revenant sans cesse dessus par exemple.
A partir du moment où l’on commence à ne se concentrer que sur ce qui est vraiment réel dans le présent, à anticiper ce que le futur pourrait être mais sans laisser nos peurs ou notre égo diriger notre flux de pensées, alors oui là on peut dire que l’on gagne en sérénité.
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Responsabilité & Sérénité
A partir de cette sérénité, il semblera beaucoup moins hardi ou audacieux d’oser « changer de vie » par exemple, ou de boulot, ou de ville, ou de façon de s’habiller… qu’importe. En réalité cela sera tellement naturel que la personne qui l’aura fait ne se pensera pas particulièrement courageuse d’avoir osé. Ce sera surtout l’Autre qui portera ce regard sur elle. C’est pour cela que je me suis permise d’intituler cette chronique : oser changer de vie ne demande pas (que) du courage.
Cette affirmation n’est qu’une croyance en réalité. Et surtout, finalement être ou ne pas courageux n’est pas vraiment important en soi, ce qui compte c’est plutôt ce que l’importance que l’on accorde à ce comportement dit de nous. En effet les systèmes de pensée ne sont d’essence ni bien ni mauvais. Ils nous sont en revanche utiles, neutres, ou préjudiciables. Et c’est ce scan qu’il convient de réaliser. Un bon moyen de faire le point sur sa situation dans son propre projet de vie.
J’aimerais beaucoup avoir votre avis sur la question du courage : est-ce important pour changer de vie ? Quelle importance y accordez-vous ? Partagez-moi vos impressions ici en commentaires ou sur Instagram, c’est toujours un plaisir d’échanger avec vous !
J’ai également du mal avec cet aspect du développement personnel qui consiste à nous culpabiliser pour absolument tout ce qui nous arrive.
Je souffre d’un trouble anxieux généralisé depuis l’enfance et de dépression chronique depuis 9 ans, et je n’y peux absolument rien. Je peux simplement agir sur la façon dont je choisis de vivre avec ces maladies et parfois ce sont elles les plus fortes, que je le veuille ou non.
Merci de dire que la psychosomatisation n’est pas de l’hypocondrie (même si ça m’arrive de me qualifier moi-même en riant d’hypocondriaque). Merci aussi de dire que contrôler ses pensées et avoir des pensées positives demande un vrai travail sur soi. J’ai commencé à pratiquer le développement personnel en 2013 mais je suis encore très loin d’avoir modifié tout ce qui ne va pas dans ma vie : à vrai dire, je ne suis même pas certaine d’avoir commencé.
Et oui je pense qu’il faut énormément de courage pour changer de vie. Surtout si on déteste le changement, même s’il est positif, car celui-ci nous angoisse. C’est terrible à dire mais parfois une situation négative, mais qu’on connaît bien, constitue une zone de confort de laquelle il peut être terrifiant d’envisager de sortir parce qu’on ne sait pas ce qui nous attend de l’autre côté. Ou qu’on ne sait pas par où commencer, quel premier pas effectuer, quel chemin prendre, si tant est qu’il y ait effectivement un chemin, parce que si ça se trouve la situation est sans issue (c’était le commentaire glauque de la semaine, à vous les studios ^^ !).
Caro ton message m’a énormément touchée, merci infiniment pour ton partage si sincère.
La maladie et le deuil sont je pense les deux épreuves les plus difficiles de la vie, qui nous poussent dans nos retranchements et sont aussi une manière de tester dans le vif dans quelle mesure on vit les « concepts » du développement personnel, et sans surprise, c’est difficile, ce n’est jamais tout blanc ou tout noir, nous sommes plein d’ambivalence et d’ambiguïté et c’est très bien comme ça. Cela ‘e veut pas dire qu’on cherche pas être meilleure dans sa tête, son corps, son comportement. La phrase la plus percutante que j’ai lue est celle de Lise Bourbeau : « pour accepter ce que je veux être, je dois accepter aussi ce que je ne veux pas être ». Je ne l’avais pas vraiment comprise jusqu’à très récemment, notamment en repensant à pourquoi je vivais si mal que mes douleurs chroniques, et je parlerai très bientôt de ce process que j’ai vécu et de son « aboutissement ».
Et je te rejoins, pour moi en fait le courage du changement n’est pas tant dans l’action qui est une résultante mais dans le courage d’essayer de penser différemment, cela demande une grande lucidité aussi.
Merci encore pour tes mots 🙂
Merci beaucoup Farah pour cet article, il est vraiment très intéressant et très bien écrit !
Je suis complètement d’accord avec toi sur la vision de la responsabilité vs la culpabilité et effectivement ça demande d’abord d’apprendre à lâcher prise sur les choses que l’on ne contrôle pas.
J’ai lu pas mal de choses récemment sur la neuroplasticité et l’impact de nos pensées sur tout le reste, c’est vraiment un sujet que je trouve passionnant. Mais comme tu le dis si bien, ça demande aussi un vrai travail sur soi de modifier son schéma de pensée, ce n’est pas juste une décision à prendre et hop tout est résolu !
Et oui je pense que changer de vie demande du courage, en tout cas pour tout ce qui est changement radical car cela demande un effort énorme pour sortir de notre zone de confort et de passer dans l’inconnu (et notre cerveau déteste l’inconnu, c’est dangereux pour lui !). Mais on peut aussi changer de vie progressivement en mettant en place petit à petit des changements dans sa vie, et là ça devient beaucoup moins effrayant du coup 🙂 Je suis plutôt sur cette approche même si parfois la vie ne nous laisse pas vraiment le choix !
Hello ! Un bel article sur ce sujet passionnant…🤩🤩.Suivre les élans de son coeur, lâcher prise sur ce qui a été, pour ainsi amorcer le changement….Ne pas écouter la voix de son mental et de son cortège de croyances limitantes, et foncer vers ce que l’on désire vraiment… Tout est possible, si l’on pense que c’est possible…Le courage sera présent si la certitude du coeur est présente, si on en a vraiment envie. Pour qu’on ait en fait besoin de courage il faudrait qu’il y ait du danger, et le danger c’est justement tous ces chuchotements du mental qui a tout simplement peur du changement et de ce qu’il ne connait pas, ou ne contrôle pas…🤩
Je suis très heureuse de trouver un article sur le courage qui n’est plus très à la mode aujourd’hui !!! La comparaison avec un muscle qui se travaille est excellente. En effet, pour sortir de sa zone de confort, il faut de la motivation (du sens), faire un travail sur ses peurs et ses croyances limitantes, prendre conscience de ses pensées automatiques et … une dose de courage soit pour aller vers des horizons plus en cohérence avec qui nous sommes, soit pour sortir d’une situation qui ne nous correspond plus. Merci de m’avoir replongée, le temps d’un article, dans mon ancienne profession.
Tu as parfaitement résumé ma pensée merci infiniment pour ton commentaire ; et en effet les sujets du courage et du doutes comptent parmi mes thèmes de prédilection, je pense que cet article ne sera pas le seul sur le sujet 🙂 a bientôt !
Merci pour cet article très complet !
En développement personnel et coaching, il est vrai que la notion de responsabilité est importante, et parfois mal interprétée… Certain clament par exemple être responsable de leurs dires, mais pas des émotions que les autre ressentent en conséquence… Je pense que tout est à mesurer, et que nous devons garder à l’esprit que la responsabilité a pour but de clarifier les choses, en toute bienveillance envers soi et les autres.
Je pense qu’un changement de vie demande du courage. Chaque personne peut cependant avoir sa vision du courage, et pondération… Et finalement, quand on est poussé par nos valeurs pour entreprendre, ce n’est plus une question de courage mais d’envie profonde ! 🙂
Anaïs merci beaucoup d’avoir pris le temps de cette réflexion. C’est justement sur cette question du besoin/envie devenue irrépressible versus le courage que j’ai commencé à m’interroger sur ce sujet. Si je prends mon histoire, bien sûr j’ai pris le risque de quitter ma carrière ; mais d’un autre côté, c’était tellement évident et mûri que ce n’était presque plus possible d’y échapper 🙂
et quant à la responsabilité, c’est très subtil en effet. Nous ne sommes certes pas responsables des émotions des autres (tant que ce n’est pas intentionnellement blessant) toutefois à moi d’évaluer si les propos que j’exprime sont en phase avec mon « higher self » cette version de moi-même que je souhaite devenir. Gros sujet 🙂
Je partage totalement ton avis d’ailleurs c’est pour cela que j’aime toujours préciser qu’il vaut mieux mettre les choses en place pour élargir sa zone de confort et non sortir de sa zone de confort. La nuance permet de prendre en compte sa nature et son tempérament 🙂
Nous sommes totalement en phase Lauriane, l’agrandissement de la zone de confort était le thème de mon post instagram de ce weekend 🙂 J’ai adoré une analogie faite dans les commentaires qui comparaît l’agrandissement de la zone de confort du passage d’un petit studio à un grand loft, mais toujours aussi douillet car agrandit petit à petit. J’ai adoré cette image cocoon 🙂
Changer de vie, c’est tellement de choses, au delà du courage c’est une prise de conscience. J’arrive bientôt à 40 ans et je me suis dit j’ai fait quoi de ma vie ? Et je me suis dit si je ne me décide pas à changer maintenant à faire quelque chose pour moi, quelque chose dont je suis fière, je ne le ferais jamais. Alors je me suis lancée, être auto entrepreneur c’est beaucoup de boulot surtout émotionnel. Je ne sais pas si c’est du courage , mais je suis contente de m’être lancée, parce qu’au final si ça ne fonctionne pas c’est mon ego qui en prend un coup. Et j’ai aussi appris à ne plus culpabiliser juste parce que je n’avais pas envie, ou parce que je n’arrivais pas à faire quelque chose. Lâcher prise est ma nouvelle devise.
Yasmine merci infiniment pour ton partage d’expérience qui je pense parlera à beaucoup !! La quête de sens, le comment je fais quelque chose de ma vie qui ait vraiment du sens est une question qui souvent commence par le pro mais nous emmene en fait vers la découverte de nous même. Et tu le dis très bien, quand on se lance dans l’entrepreuneuriat on est face à soi-même, et qui dit entrepreneur dit développement personnel, et je trouve que c’est génial 🙂 bravo pour ta devise, et ta démarche !
merci, j’espère pouvoir aider. C’est vrai que je me rends compte que même si c’est compliqué, je suis bien plus épanouie 😊
vraiment très heureuse pour toi, et encore merci de ce partage inspirant 🙂
J’ai adoré ton article et je suis org au évent alignée avec tes propos.
Il fondamental de prendre le temps de découvrir ses talents et analyser ses capacités au changement car ce n’est pas une étape facile. Le courage est fondamental et doit être valorisé.
Merci infiniment Lauriane, très heureuse que cet article t’ai parlé ! Il n’est pas toujours aisé de distinguer la phase d’introspection nécessaire pour mettre en place la bonne stratégie, de la trituration de cerveau qui elle nous fait encore plus douter et procrastiner le moment de se lancer… C’est important de travailler cette capacité à prendre des décisions éclairées, tout en laissant de la place à l’instinct ; et tu le dis très bien, dans un monde où on veut que tout soit facile et immédiat, il faut absolument encourager et valoriser le courage, la prise de risque, et le plantage aussi 🙂
Merci pour ce très bel article Farah ! Je suis tout à fait d’accord avec toi. Petite j’ai été bercé par les « quand on veut on peut », « il suffit de le décider », « c’est que tu n’es pas motivée », etc. Mais c’est tellement plus complexe et tellement plus long à démêler… ! Et comme tu le dis si bien, le courage est comme un muscle (j’adore cette comparaison, elle est très stimulante !) et il se « travaille » de bien des manières !
Merci beaucoup pour ton commentaire qui me va droit au coeur ! Bien sûr les adultes qui disent cela aux enfants, ou à d’autres adultes, pensent vraiment bien faire, ils ont rarement conscience de ce que cette croyance peut impliquer. L’essentiel est qu’une fois révélée, d’essayer de fonctionner différemment, de manière un peu plus douce et bienveillante ; ce qui n’est pas du tout incompatible avec la performance et le résultat 🙂